dimanche 18 septembre 2011

Islande #3/Earthscape





Geysers, volcans, cascades, glaciers… Ces mots brillent tels des enseignes lumineuses, ou attirent le chaland, empaquetés comme des produits d’appel dans le grand marché du tourisme, rayon nature et grands espaces. Leur surexposition, jusque dans les couloirs souterrains de nos villes, n’épuise pourtant pas leur pouvoir d’attraction. Au contact de la réalité qu’ils désignent, le nuage marketing qui les nimbe se dissipe vite et la magie opère, assurément.

Islande #2/Earthscape, Seltún





L’Islande est une terre neuve. Neuve dans la conscience de l’homme européen, puisque dernier territoire colonisé du continent, et neuve par sa géologie. C’est une terre en formation, en continuel mouvement, où l’activité tectonique est intense et ses manifestations spectaculaires.
Retour vers une origine. Comme si la fine surface, sous nos latitudes accueillante et fertile, subtile alliance du temps érosif et du travail des hommes, dans les replis de laquelle nos paysages se sont sédimentés, ici, n’était pas encore installée. La machinerie est visible, la Terre travaille. Arrivé trop tôt, encore en chantier…
La presqu’île de Reykjanes, la bien nommée « péninsule des fumées », est située dans cette zone de fissures éruptives et de volcanisme actif qui traverse l’île du sud-ouest au nord-ouest, sur le parcours de la dorsale médio-atlantique. C’est un vaste territoire, à l’intérieur désert, de champs de lave couverts de mousses. Ici la croûte est mince, et l’eau infiltrée dans les sols poreux atteint 200°C à 1 000 m de profondeur.
Révélation de la terre, fabrique de matière minérale. En certains lieux, cette eau tellurique ressurgit. Ce sont alors mares bouillonnantes de boue minéralisée à la couleur du plomb, solfatares, évents de vapeurs sulfurés et leurs dépôts de soufre cristallisé, terres craquelées et friables, jaunes, ocre ou rouges. Les émanations acides attaquent le basalte, le digèrent en quelque sorte. Génération, érosion : deux forces antagonistes à l’œuvre dans ces champs géothermiques.
Ici, à Seltún, les passerelles de bois, aménagées au-dessus de cette terre en activité permanente, et les pieux qui y sont fichés, sont régulièrement détruits. Il faut alors rebâtir et s’adapter à la nouvelle configuration du lieu. Inévitablement, c’est l’image d’un chemin au-dessus des Enfers qui vient à l’esprit, actualisant une figure qui parcourt l’imaginaire occidental, depuis le Moyen-âge jusqu’à Jules Verne, celle de l’Islande comme l’une des portes de l’Enfer.

dimanche 4 septembre 2011

Islande #1/Ultima Thulé








Il apparaîtrait que Pythéas le Massaliote ait bien navigué au milieu des glaces et des brumes jusqu’à cette île perdue dans le Septentrion.

L’Islande apparaît dans certaines chroniques médiévales et pour la première fois dans l’histoire vers le VIIIe siècle, lorsque des moines irlandais, à la recherche d’une terre isolée propice à la méditation, découvrirent cette île et s’y installèrent pour une courte durée. Mais c’est de 874 qu’est traditionnellement datée l’arrivée des Vikings, originaires de Norvège. C’est le début de L’âge de l’établissement. Jusque là, aucune population, ni les Samis du nord de l’Europe ni les Inuits du Groenland, n’avaient peuplé l’île. L’Islande est ainsi la dernière terre d’Europe à avoir été habitée.
Pourtant, les Grecs et les Romains se souciaient déjà de l’existence des terres nordiques, mais ils étaient peu instruits de leur situation réelle. Pythéas, navigateur grec, astronome et géographe, qui vivait à Marseille au IVe siècle avant J.-C., est celui qui fournit le plus d’informations. De ses écrits, Description de l’Océan ou Périple nous ne connaissons que des fragments, cités par le géographe Strabon et l’auteur latin Pline l’Ancien, lesquels ne croyaient guère à ses affirmations.
L’explorateur rapporte avoir découvert entre 330 et 320 av. J.-C. une île, qu’il est le premier à mentionner et nomme Thulé. Il la présente comme la limite septentrionale de son périple. Au cours de cette navigation sur les mers du Nord et la Baltique, à la recherche d'une nouvelle route commerciale de l'ambre et de l'airain, il aurait doublé les côtes d’une certaine île qui se trouvaient à six jours de mer de l’Angleterre, et à proximité d’une mer de glace.
Cette terre lointaine à la position extrême garde ainsi pendant des siècles le nom  d’Ultima Thulé. Et ce terme est plus largement employé pour désigner le point le plus au Nord, une espèce d'absolu indépassable, proche de l'idée de bout du monde. Il relève, durant une longue période, pour la majeure partie des Européens, du registre de la légende et du mythe.